vendredi 5 février 2010

L'électricité, colporteur de l'imprimerie

Les réformes salutaires qu'un éminent homme d'état, M. Duruy, inspiré par l'étincelle sacrée de l'histoire, a introduites en France, ont ouvert à toutes les sciences la voie salutaire de l'histoire, qui les rendra infiniment plus profondes et fécondes que n'a fait l'hypothèse à travers laquelle l'esprit a semblé pouvoir saisir plus vite ses vérités, les rendant ainsi souvent impossibles en application, et l'on verra que le roman le plus merveilleux n'est rien auprès de l'histoire de la nature. La découverte des chemins de fer et du télégraphe électrique n'a pas encore dit son dernier mot. Ce dernier surtout a fait une révolution dans le commerce, laquelle jusqu'à présent, au moins dans l'économie privée, lui a été pernicieuse. Les négociants, pour la plupart très-peu éclairés quoique leur état exige beaucoup de lumières et une force de caractère remarquable, n'étudient et ne réfléchissent plus en basant leurs opérations sur des vues lointaines et éclairées. Qu'est-ce qu'un livre imprimé aujourd'hui ? Des théories inutiles suivant lui. Qu'est-ce qu'un journal ? Des nouvelles vieillies et surannées. Qu'est-ce qu'une lettre ? La confirmation par écrit d'une opération faite par dépêche, nécessaire seulement en cas de contestation. Sur quoi donc base-t-il ses opérations ? Sur la dépêche électrique. A quoi pense-t-il le matin ? A deviner la dépêche du soir. Sur quoi compte-t-il gagner ? Sur la dépêche du lendemain. Il arrive, en attendant, que cette dépêche n'est qu'un Tartare de Sébastopol, et que le négociant se repent toujours le lendemain de ce qu'il a opéré la veille. Enfin comme l'imprimerie a tué l'édifice, mot sublime de Victor Hugo, nous dirons que l'électricité a tué l'imprimerie à son tour, avec cette différence pourtant que l'imprimerie a absorbé tout ce qu'il y avait d'art, de science, de poésie, de religion et d'histoire dans les ogives élevées et mystérieusement sculptées des cathédrales du moyen âge ; l'électricité n'exprime que par mots saccadés et des sortes d'hyéroglyphes, souvent illusoires, les pensées claires, limpides et profondes de l'imprimerie, et elle n'aura pas dit son dernier mot, tant qu'elle ne deviendra pas, à l'instar de la vapeur, le colporteur de l'imprimerie.
Adam Wiszniewsk.- Histoire de la banque de Saint-Georges de Gênes ; la plus ancienne banque de l'Europe, et des origines du crédit mobilier, du crédit foncier...,Editeur  Guillaumin, 1865. paage XXXVIII.